Source : argusdelassurance.com
Paralysie des chaines de productions, confinement, fermetures obligatoire des lieux recevant du public non indispensables à la vie du pays, les conséquences économiques du nouveau coronavirus sont loin d’être anodines. La perte d’exploitation (PE) sans dommages est plus que jamais une réalité et elle n’a jamais autant été boudée des assureurs.
Le message est des plus clairs : « L’Etat ne prendra pas en charge [NDLR La perte d’exploitation sans dommages]! », insistait ce matin, Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances, enjoignant les assureurs à s’impliquer plus fortement sur la prise en charge de la perte d’exploitation sans dommages à laquelle font face les entreprises, en particulier dans le secteur de la restauration et l’hôtellerie. « l’Etat ne prendra pas en charge [NDLR La perte d’exploitation sans dommages]! Notre première responsabilité c’est la solidité financière de la nation. Nous avons mis en place un filet de sécurité pour les entreprises et les commerces : le fonds de solidarité vise à les soutenir. [Sur les pertes d’exploitation sans dommages], nous allons continuer à discuter avec les assureurs. Les catastrophes naturelles sont prises en charge, mais pas les catastrophes sanitaires. Nous allons voir avec les assureurs comment ils peuvent participer à l’effort de solidarité nationale », précisait-il lors d’une conférence de presse.
PRESSION GRANDISSANTE
Les syndicats patronaux (Medef, CPME…), tout comme le ministre semblent faire pression sur les assureurs pour que ces derniers se positionnent. Dans un communiqué daté du 13 mars, la Confédération des PME lançait un appel à l’Etat et aux assureurs. « La Confédération des PME réaffirme enfin sa volonté de voir décrété un « état de catastrophe sanitaire » permettant, en complément de l’état de catastrophe naturel, aux entreprises concernées de faire jouer leur assurance perte d’exploitation. »
Avec plus de 6600 cas confirmés en France et 148 décès, le coronavirus (Covid-19) mobilise l’Etat qui tente d’endiguer sa progression en prenant des mesures drastiques. Ainsi, les mesures de confinement pendant 15 jours au moins et la fermeture obligatoire des lieux recevant du public non indispensables à la vie du pays annoncées par le gouvernement le week-end dernier bien qu’assorties de mesures économiques pour soulager les chefs d’entreprises vont engendrer des pertes d’exploitations importantes.
De fait, à la suite des déclarations du Président de la République, le constructeur automobile PSA (Peugeot, Citroën, Opel…) ferme toutes ses usines européennes. Airbus a, quant à lui, annoncé suspendre quatre jours sa production en France et en Espagne, les pertes d’exploitation sans dommages des entreprises et commerces français n’auront jamais été autant d’actualité. En effet, la chaine d’approvisionnement des industriels dont une grosse partie des sous-traitants et des chaines de production se trouvent en Asie avaient déjà été fortement impactées courant février, désormais ce sont les usines d’assemblages et l’industrie de pointe qui se trouvent en Europe qui sont immobilisées.
Les commerces sont quant à eux frappés de plein fouet par les obligations de fermetures annoncées par le gouvernement le week-end dernier, sans compter les pertes enregistrées par les activités touristiques.
DES ASSUREURS FRILEUX
Au regard de l’actualité (terrorisme, gilets jaunes, grèves…), la perte d’exploitation sans dommages est de plus en plus demandée par les assurés (entreprises, commerçants et industriels français…). Cependant les assureurs sont quant à eux de moins en moins prêts à s’aventurer sur ce risque, surtout dans un contexte de taux bas et de redressement du marché du risque d’entreprise. Soumis à des exigences de rentabilité technique les assureurs se montrent frileux.
« J’ai beaucoup d’appels de pro en ce qui concerne la perte d’exploitation. Malheureusement pour eux, en France, aucune compagnie n’assure les pandémies et les épidémies. Cela me vaut quelques échanges houleux avec certains, mais je peux comprendre leur énervement», confirme un agent général MMA désemparé.
PE SANS DOMMAGES ET PANDÉMIE
Sur le dommage et la perte d’exploitation sans dommages suite à épidémie ou pandémie, il n’existe pas, aujourd’hui, de solution assurantielle, car comme le rappelle Hervé Marzal, directeur de Gras Savoye Risk Consulting, « les couvertures de perte d’exploitation sans dommages (c’est-à-dire une couverture de frais supplémentaires ou de pertes financières associées à un événement qui ne seraient pas liées à un dommage) ne peuvent être envisagées que sur des périmètres limités c’est-à-dire sur des événements qui ne seraient pas systémiques. » Or les épidémies et les pandémies sont par définition systémiques puisque, on peut le voir avec le covid-19, elles se propagent comme une trainée de poudre sur l’ensemble du globe.
« Il n’y a pas vraiment de solutions d’assurance dommages ou pertes d’exploitation sans dommages répondant sur des risques pandémiques ou épidémiques. Les couvertures paramétriques, telles que mise en place en 2017 dans le cadre particulier d’un « pandemic Bond » pour l’OMS constituent probablement une solution d’avenir mais encore faut-il parvenir à modéliser les conséquences, et imaginer que les assurés puissent payer les primes importantes qui couvriraient un tel risque», confirme Frédéric Durot, directeur du département dommages chez Siaci Saint Honoré.